Travailler pour améliorer la vie des Canadiens touchés par la SLA : questions et réponses avec le Dr Lorne Zinman

Directeur de la ALS and Neuromuscular Clinic au Sunnybrook Health Sciences Centre, un hôpital universitaire et de recherche affilié à l’Université de Toronto

février 2, 2023

Il faut toute une communauté afin de se battre pour les personnes atteintes de SLA. Ce combat se mène sur plusieurs niveaux. Des intervenants importants sont les spécialistes de la SLA qui travaillent jour après jour pour faire avancer les choses.

Nous nous sommes entretenus avec le Dr Lorne Zinman pour évoquer et faire comprendre l’importance d’un diagnostic précoce, pour souligner son travail avec les patients atteints de SLA et pour découvrir ce qui lui donne de l’espoir pour l’avenir.

En plus de diriger la clinique pluridisciplinaire SLA et de réaliser des essais cliniques afin de tester les produits thérapeutiques les plus prometteurs contre la SLA, le Dr Zinman mène des recherches axées sur une meilleure compréhension des phénotypes et des variants cliniques, électrophysiologiques et pathologiques de la maladie. Il est le fondateur et le premier président du Réseau canadien de la recherche sur la SLA. Son objectif principal est de trouver de nouveaux traitements et d’améliorer la vie des personnes touchées par la SLA.

Q : Merci beaucoup de prendre le temps de parler avec nous aujourd’hui, Dr Zinman. Pouvez-vous commencer par expliquer ce qu’est la SLA?

Dr Zinman : La SLA est une maladie neurodégénérative progressive qui touche les motoneurones. Une personne atteinte de SLA commence par perdre les cellules nerveuses qui contrôlent les muscles. En général cela débute dans une zone et se propage progressivement dans tout le corps.

Chez certains patients atteints de SLA, les motoneurones des bras et des jambes peuvent lâcher en premier, c’est ce qu’on appelle la forme spinale de la SLA. Pour d’autres, les muscles de l’élocution et de la déglutition sont les premiers affectés, c’est ce qu’on appelle la forme bulbaire de la SLA. Peu importe l’endroit où elle débute, la maladie se propage généralement d’une zone corporelle à une autre entraînant chez les patients l’incapacité de bouger leurs bras, leurs jambes, de parler et de déglutir et, finalement, de respirer. Malheureusement, la plupart des patients décèdent dans les cinq ans suivant l’apparition des symptômes.

À peu près 5 à 10 % des patients atteints de SLA ont des antécédents familiaux avec la maladie,[1] et dans ces cas, nous pouvons, la plupart du temps, identifier le gène responsable. Toutefois, chez la plupart des patients, il n’y a pas d’antécédents familiaux et nous ne comprenons pas pourquoi ils ont contracté la SLA.

Q : Quels sont les premiers signes et symptômes que l’on peut constater?

Dr Zinman : Ce point est vraiment important à souligner, car cette maladie insidieuse passe souvent inaperçue et les patients reçoivent un diagnostic de SLA seulement un à deux ans après l’apparition des symptômes.[2]

Pour la forme spinale de la SLA, qui débute dans les bras, les premiers symptômes peuvent être de la faiblesse dans les mains. Dans ce cas, une personne éprouve des difficultés pour ouvrir une bouteille d’eau, pour tourner une clé ou pour se servir d’un coupe-ongle par exemple. Si la SLA débute par une faiblesse dans les jambes, la personne peut souffrir d’un pied tombant, avoir des difficultés pour marcher et pour monter des escaliers. Pour la forme bulbaire de la SLA, en général les patients remarquent d’abord des troubles de l’élocution suivis de difficultés pour avaler.

La SLA est considérée comme une maladie insidieuse parce qu’il n’y a pas de changements soudains et parce qu’elle progresse de manière linéaire au cours du temps. Souvent, elle débute dans une zone corporelle et se propage ensuite dans le reste du corps.

Q : Vous dites que la plupart des patients ne sont pas diagnostiqués avant un ou deux ans — pourquoi cela prend-il autant de temps?

Dr Zinman : L’une des raisons pour lesquelles la SLA est si difficile à diagnostiquer est qu’au début de la maladie, lorsqu’une zone du corps est touchée — par exemple une personne ressent de légères faiblesses dans les mains ou dans les bras — l’importance des symptômes est insuffisamment reconnue et les patients et médecins attribuent souvent ces symptômes à d’autres causes plus fréquentes. La SLA est extrêmement difficile à diagnostiquer à un stade précoce et un diagnostic définitif ne peut être fait seulement quand la dégénérescence des motoneurones s’est propagée à d’autres zones du corps et que les autres causes plus fréquentes sont exclues.

La deuxième raison pour laquelle la SLA est si difficile à diagnostiquer est qu’il n’y a pas de biomarqueur de diagnostic fiable pouvant être facilement testé. Contrairement à une maladie comme le diabète, où le médecin traitant peut envoyer un patient faire une analyse de sang, comme un test de glycémie à jeun, et où les résultats confirmeront ou non que le patient est atteint de la maladie. Un examen de ce type n’existe pas pour la SLA et nous sommes impliqués dans un certain nombre de travaux de recherche pour trouver un biomarqueur fiable afin d’accélérer le processus de diagnostic de la SLA. En attendant, nous continuerons à diagnostiquer la SLA en confirmant la présence d’une dégénérescence diffuse des motoneurones qui s’est propagée au cours du temps et en excluant d’autres causes potentielles.

Q : Pourquoi un diagnostic précoce de la SLA chez les patients est-il si important?

Dr Zinman : Plus nous diagnostiquons la SLA rapidement, au plus tôt le patient pourra accéder à notre équipe SLA pluridisciplinaire, qui améliore de manière significative la qualité de vie et l’espérance de vie.[3] De plus, un diagnostic précoce signifie que les patients auront plus de chances d’être admis pour recevoir les produits thérapeutiques contre la SLA approuvés par Santé Canada qui ralentissent la progression de la maladie.

Les diagnostics précoces sont également importants à des fins de recherches, car ils augmentent la probabilité que les patients soient admissibles à des essais cliniques. Comme pour d’autres maladies, telles que le cancer, nous pensons qu’une intervention précoce offre la meilleure opportunité pour ralentir la progression de la neurodégénérescence. C’est comme éteindre un feu de camp avant qu’il ne se transforme en feu de forêt. Le plus tôt est le mieux.

Q : Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce que sont les cliniques SLA et pourquoi il est important pour les patients d’être envoyé dans l’une de ces cliniques sans tarder?

Dr Zinman : La SLA peut affecter le corps entier et entraîner une paralysie complète. Une équipe de spécialistes est donc vraiment nécessaire pour fournir des soins efficaces. Des neurologues spécialisés en SLA font partie d’une équipe pluridisciplinaire qui comprend généralement une infirmière, un ergothérapeute, un kinésithérapeute, un orthophoniste, un diététicien, un technologue respiratoire, un pneumologue, un expert en soins palliatifs et un travailleur social. Les représentants régionaux de SLA Canada jouent également un rôle important dans l’assistance aux soins. Les équipes SLA pluridisciplinaires proposent une approche holistique des soins en soutenant les patients et les membres de leur famille tout au long de la maladie.

En fait, des études ont montré que les patients ayant accès à une équipe de soins SLA pluridisciplinaire ont une qualité de vie considérablement meilleure que ceux qui n’y ont pas accès3. Bien que nous ne puissions pas encore guérir cette maladie, il existe beaucoup de choses que nous pouvons faire pour améliorer le fonctionnement quotidien du patient. Par exemple, nous pouvons aider les patients en leur fournissant l’accès à des aides à la mobilité, des appareils de communication, des suppléments nutritifs, des appareils d’assistance respiratoire ainsi qu’en organisant l’accès communautaire pour optimiser les soins et améliorer la qualité de vie.

Il faut tout un village pour prendre soin d’un patient atteint de SLA et les soins pluridisciplinaires sont essentiels.

Q : Que pouvons-nous faire pour commencer à améliorer le délai de diagnostic chez les personnes qui pourraient être atteintes de SLA?

Dr Zinman : Je crois qu’il faut commencer par sensibiliser davantage les gens à la SLA. Malheureusement, beaucoup de personnes n’ont toujours pas entendu parler de la SLA. Elle n’a pas le même degré de sensibilisation que d’autres maladies neurodégénératives telles que les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. La SLA n’est pas en tête des préoccupations et n’est généralement pas la première chose à laquelle quelqu’un pense lorsqu’il éprouve des difficultés à ouvrir une bouteille d’eau par exemple. De plus, la SLA est heureusement une maladie rare et la plupart des médecins traitants ne rencontreront qu’un ou deux cas au cours de leur carrière.

Accroître la sensibilisation à la SLA peut aider les patients et les médecins de famille à reconnaître les symptômes aux premiers stades de la maladie. Cela permettra d’assurer que les examens nécessaires et le transfert à un neurologue se fassent de manière accélérée pour réduire le délai entre l’apparition des symptômes et le diagnostic.

Q : Travailler sur la SLA doit parfois être difficile émotionnellement, qu’est ce qui vous donne de l’espoir?

Dr Zinman : Au cours de ces deux dernières décennies, dans lesquelles j’ai pris en charge des patients atteints de SLA, j’ai été inspiré par le courage et la détermination de ces personnes et je continue à m’émerveiller de l’engagement exceptionnel de leurs familles et amis.

Les patients atteints de SLA et les membres de leurs familles incarnent ce qu’il y a de mieux dans la nature humaine. Je vois l’esprit de combativité résilient des patients qui luttent contre cette terrible maladie — vivre au jour le jour, rester dans le moment présent et se concentrer sur tous les éléments positifs de leur vie. Je suis témoin de ce qu’il y a de mieux dans l’humanité quand je vois des proches et des aidants incroyables s’engager par pur altruisme dans les soins de leur être cher, peu importe à quel point cela est difficile.

Nous sommes ensemble et, avec mes collègues et partenaires travaillant dans le domaine de la SLA, nous poursuivons notre engagement à trouver des solutions pour rendre chaque jour meilleur et nous n’avons jamais été aussi optimistes en ce qui concerne les jours à venir.

[1] National Institute of Health (NIH). Feuillet sur la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Accessible sur : https://www.ninds.nih.gov/amyotrophic-lateral-sclerosis-als-fact-sheet Consulté le : 22 novembre 2022.

[2] Hodgkinson VL, et al. Provincial Differences in the Diagnosis and Care of Amyotrophic Lateral Sclerosis. Can J Neurol Sci. 2018 Nov;45(6):652-65.

[3] Van den Berg JP, Kalmijn S, Lindeman E, Veldink JH, de Visser M, Van der Graaff MM, Wokke JH, Van den Berg LH. Multidisciplinary ALS care improves quality of life in patients with ALS. Neurology. 2005 Oct 25;65(8):1264-7.